« La transition agro-écologique dans le monde agricole se caractérise par une mise en mouvement de production de connaissances ascendant fondé sur les savoirs tirés de l’expérience. Ce mouvement vient bouleverse l’ordre et le conseil agronomique traditionnel » éclaire le sociologue de l’Inra Marc Barbier.
Depuis deux ans, au sein de l’Observatoire sociologique des transitions agro-écologiques, Marc Barbier décortique avec ses collègues ce que sont les moteurs de changements de pratiques agricoles et leurs effets. Ils étudient ainsi une vingtaine de groupements d’agriculteurs lauréats de l’appel à projets « Mobilisation collective pour l’agro-écologie », beaucoup d’entre eux étant aujourd’hui devenus des Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).
Des groupes d’agriculteurs à la recherche d’une autonomie face aux différentes formes de conseil
Ces chercheurs observent comment se sont créés ces groupes innovants et ce qu’ils sont parvenus à faire. Ils caractérisent l’innovation agro-écologique en agriculture en tenant compte de la variété des modèles : vers qui se tourne aujourd’hui l’agriculteur lorsqu’il veut changer radicalement ses pratiques ? Quelle est la fonction du groupe d’agriculteurs dans la transmission des savoirs et des pratiques innovantes agro-écologiques ? Ces problématiques sont essentielles pour comprendre les mutations en cours du développement agricole et rural dans cette période de transitions agricoles :
« Plan Marshall, coopératives, JAC, Agriculture Biologique… Pour se moderniser, l’agriculture s’est toujours appuyée sur le groupe pour se mobiliser et partager ses expériences. Mais, avec le mouvement de l’agro-écologie, nous voyons émerger de nouveaux collectifs, moins syndicaux, moins descendants et couvrant une grande variété de motivations et de valeurs (APAD, BASE, CIVAM, Semences paysannes, ateliers paysans…). Les démarches d’innovation viennent aujourd’hui beaucoup des expériences quotidiennes des agriculteurs associés à des groupes, dont l’animation technique est très fortement marquée par leur souci de maîtriser l’agenda des questions qu’ils se posent dans leurs exploitations. Il y a un besoin d’autonomie en matière de production et de circulation des savoirs et un besoin de partage de compétences sans les détacher de la description de l’expérience initiale. Pour autant, ces collectifs ne fuient pas les savoirs traditionnels des conseillers agricoles en chambres d’agriculture ou en coopératives mais tendent à vouloir définir eux-mêmes les objets et objectifs du conseil apporté. Nous observons une sorte d’inversion du rapport de prescription… »
Le sociologue analyse ainsi la fin de la croyance de ces agriculteurs envers l’application de techniques agronomiques génériques et leur investissement dans la production de savoirs qui n’ont pas été encore rationalisés. « C’est un enjeu de taille pour les organismes de recherche et de développement en agriculture ! » conclut-il.
Source : Analyser les changements du monde agricole vers plus d’écologie | Alim’agri