LA RÉCOLTE DES MENUES PAILLES : UN LEVIER COMPLÉMENTAIRE DE GESTION DES ADVENTICES À MOYEN TERM
La récolte des menues pailles permet d’exporter une partie des graines d’adventices de la parcelle et de limiter ainsi leur réensemencement. Cette technique pourrait venir compléter les leviers de gestion des adventices habituellement utilisés. Dans une parcelle d’essai fortement infestée en ray-grass, l’effet de cette pratique est significatif sur la densité de ray-grass après 4 récoltes successives de céréales d’hiver, et se traduit par un écart de 20 % sur le rendement du blé.
Les menues pailles sont rejetées par la grille supérieure de la moissonneuse-batteuse lors du nettoyage du grain. On y retrouve glume, glumelles, brisures de pailles, petits grains et graines d’adventices. Elles peuvent être valorisées pour le paillage, le fourrage, la combustion, la méthanisationou encore comme agro-matériaux. En plus de ces valorisations, la récupération des menues pailles présente un intérêt agronomique en limitant l’enrichissement du stock semencier en mauvaises herbes de la parcelle.
Des levées de ray-grass toujours importantes la première année
Un essai conduit par ARVALIS – Institut du végétal et la chambre interdépartementale d’agriculture d’Île-de-France depuis la moisson 2014 a permis de mesurer l’impact de la récolte des menues paille sur les infestations de ray-grass.
Dans cet essai, la densité de ray-grass (résistants aux herbicides) lors de la récolte 2014 est assez élevée, de 28 ± 3 plantes/m² dans le blé. Cette année-là, la récupération des menues pailles a permis d’exporter plus de 70 % des semences de ray-grass qui n’étaient pas tombées au sol avant la moisson du blé (figure 1).
Figure 1 : Ray-grass tombés au sol (en g/m2) à la récolte du blé (2014) selon que les menues pailles sont exportées ou éparpillées
Malgré ces taux d’exportation élevés, la densité d’adventices présente à l’interculture 2014 (mesurée un mois après un déchaumage) puis dans l’orge d’hiver au printemps 2015 (après deux désherbages d’automne) n’est pas significativement différente entre les modalités avec ou sans exportation des menues pailles. En effet, les levées d’adventices observées ne sont pas seulement issues des graines de l’année mais aussi de celles déjà présentes dans le stock semencier. Par conséquent, l’exportation régulière des menues pailles pourrait avoir un effet plus prononcé à moyen terme. Les observations réalisées les années suivantes confirment cette hypothèse.
Les bénéfices s’accentuent au fil des campagnes
Juste avant la récolte de l’orge en 2015, il y a 40 % de ray-grass en moins dans la modalité avec récolte des menues pailles par rapport à la modalité avec menue paille éparpillée. Lors de l’interculture 2015 puis en sortie d’hiver 2016 dans le blé suivant, la densité de ray-grass est deux fois plus faible dans la modalité récoltée par rapport au témoin éparpillé. Après trois campagnes successives de récolte des menues pailles, on observe une diminution de la densité de ray-grass de 75 % en sortie d’hiver 2017 et 43 % à la récolte 2017 dans la modalité avec récolte des menues pailles par rapport au témoin (figure 2).
Figure 2 : Evolution de la densité de ray-grass avant récolte depuis la mise en place de l’essai selon que les menues pailles sont exportées ou éparpillées (essai 2014-2017)
Une pratique qui ralentit le développement des ray-grass, mais ne suffit pas à le stopper
Sur cet essai, non labouré et en céréale à paille d’hiver pendant 4 campagnes successives, la densité de ray-grass augmente fortement. Entre la récolte 2014 et la récolte 2017, elle a été multipliée par 6,9 dans la modalité récolté et par 13,4 dans la modalité éparpillée.
A la récolte 2017, on comptabilise 204 ray-grass par m² en situation de récolte des menues pailles, contre 358 plante/m² sans.
Des effets visibles sur le rendement
La densité de ray-grass sur l’essai est telle qu’elle provoque une forte compétition sur le blé qui se traduit par une réduction du rendement. En ralentissant l’expansion du ray-grass, la récolte des menues pailles quatre années de suite a ainsi permis de réduire les pertes de rendement dues à cette concurrence.
Lors de la récolte 2016, le rendement en blé de la modalité avec récolte des menues pailles était environ 10 % plus élevée que sans récupérateur et la proportion de graines d’adventices dans la trémie était plus faible. En 2017, ces résultats se confirment, et l’écart de rendement augmente pour atteindre 20 %. Ces différences sont probablement la conséquence de la compétition exercée par le ray-grass dès la sortie d’hiver : pour mémoire en février 2017, il y avait 75 % de ray-grass en moins avec récolte des menues pailles par rapport au témoin.
Figure 3 : Rendement du blé (en q/ha) en fonction de la modalité de gestion des menues pailles
Une réduction plus marquée des repousses de blé
L’exportation des menues pailles permet aussi de réduire la quantité de repousses de blé à l’interculture : celle-ci a été réduite de 40 % après la moisson 2014 (mesure effectuée un mois après le premier déchaumage).
Les résultats 2015 sur orge sont moins marqués : aucune différence significative n’est observée (figure 4).
Figure 4 : Repousses de céréales (en pieds/m2) levées à l’interculture après exportation ou non des menues pailles (blé en 2014 et orge en 2015)
Source : Récolter les menues pailles pour réduire le stock semencier