Depuis 10 ans, Arvalis assure le suivi d’un dispositif expérimental à Boigneville (91) permettant d’analyser les performances d’un système de grandes cultures bio sans apport extérieur d’azote. Après la présentation des résultats techniques, voici le point sur les aspects économiques et environnementaux.
Selon Arvalis, les résultats du système bio grandes cultures autonome de Boigneville mettent en évidence que cette ferme est performante économiquement avec des cultures plus rentables que d’autres.
Des résultats à l’échelle d’une ferme de 300 ha et 2 actifs
Cette surface d’extrapolation de 300 ha est prise en compte au quotidien dans le choix et la gestion des interventions. Les cultures ne sont binées par exemple dans le dispositif que si les jours disponibles sont suffisants pour le faire sur une ferme de 300 ha. Le parc matériel de cette ferme virtuelle a été défini de manière optimisée en fonction du contexte pédoclimatique de Boigneville, de la taille de l’exploitation et de la main d’œuvre disponible (encadré ci-dessous).
– 3 tracteurs (110 cv, 180 cv et 220 cv)
– 1 moissonneuse-batteuse de 6 m de coupe
– 1 déchaumeur à disques indépendants de 5 m
– 1 déchaumeur à dents de 5.5 m
– 1 vibrodéchaumeur de 6 m
– 1 charrue à 6 corps
– 1 vibroculteur de 6 m
– 1 rouleau lisse de 12 m
– 1 combiné (semoir + rotative) de 4 m, avec des écartements de 15 cm
– 1 bineuse équipée d’un guidage camera de 4 m
– 1 herse étrille de 12 m
– 2 bennes de 12 t
Des charges complètes contenues
En moyenne, les charges complètes sont assez stables et s’élèvent à 938 €/ha (figure ci-après). Les charges de mécanisation et les cotisations sociales de l’exploitant représentent à elles seules 44 % des charges complètes. Si les cotisations sociales de l’exploitant sont assez variables, de 110 à 234 €/ha en fonction du revenu dégagé par le système, les charges de mécanisation sont stables (244 €/ha en moyenne) depuis la mise en place du dispositif.
Le montant des charges opérationnelles dépend avant tout de l’achat de semences (les rapports semences de ferme/semences certifiées choisis reflètent la situation moyenne des fermes régionales), ainsi que de l’achat de kiésérite apportée sur les luzernes depuis 2015. Pour rappel, une des spécificités de ce dispositif est d’être autonome vis-à-vis d’apports exogènes d’azote, d’où l’absence de charges d’engrais organiques (ce qui n’est pas le cas de la majorité des agriculteurs de grandes cultures bio).
Nous avons été amenés, 1 année sur 10, à apporter du sulfate ferrique (avec la spécialité commerciale Sluxx) homologué en AB pour lutter contre les limaces sur le blé implanté derrière féverole.
Évolution des charges complètes pour le système bio de Boigneville extrapolé à 300 ha et 2 actifs (©Arvalis-Institut du végétal)
Blé panifiable et lin oléagineux, les cultures rémunératrices
Le prix de vente est supérieur au coût de production complet, en moyenne, pour le blé tendre en précédent luzerne et le lin (figure ci-dessous). Cela signifie que, pour ces deux cultures, tous les facteurs de production sont rémunérés. Par contre, pour la fèverole, le blé de féverole et la luzerne, le prix de vente est inférieur au coût de production complet.
Pour autant, si on prend en compte les aides Pac et les aides spécifiques à l’agriculture biologique, toutes les cultures ont un prix de vente supérieur à leur seuil de commercialisation (coût de production – aides) sauf la luzerne et la féverole. La luzerne a montré un faible développement depuis 2013, pour partie expliqué par une forte carence en soufre ; la féverole a connu un rendement catastrophique en 2016. Malgré des résultats économiques moindres, ces deux cultures ont un intérêt agronomique conséquent pour les autres cultures de la rotation : apport d’azote, levier de maîtrise des adventices (en particulier la luzerne, par son cycle pluriannuel et les fauches répétées). Elles permettent, par exemple, aux blés qui suivent, d’atteindre un débouché panifiable tout en ayant un niveau de rendement satisfaisant. La luzerne et la féverole contribuent donc indirectement aux résultats économiques observés sur les autres cultures.
Coût de production moyen complet par culture de 2009 à 2016 sur le dispositif bio de Boigneville – Comparaison avec le prix de vente moyen sur la même période. BTH1 = Blé de luzerne, BTH2 = Blé de féverole (©Arvalis-Institut du végétal)
Les prix de vente correspondent aux prix moyens réels des collecteurs locaux. La luzerne est valorisée en déshydratation (2 fauches la 1re année ; 1 fauche la 2e année, la 2e fauche étant laissée sur place pour limiter les exportations d’éléments minéraux).
Un système rentable mais dépendant des prix élevés et des aides Pac
Sur la ferme expérimentale de Boigneville, d’autres dispositifs sont étudiés, en particulier un dispositif de semis sous couvert (SCV) depuis 2011 (en non labour depuis 20 ans).
Une ferme type « conventionnelle » (FT) construite en partenariat avec la Chambre d’agriculture de région Ile-de-France, permet également de servir de repère.
Dans ces trois systèmes (SCV, FT, BIO), la SAU est identique (300 ha), tandis que le nombre d’actifs et le parc matériel sont dimensionnés en cohérence avec la conduite de chaque système.
Description des trois systèmes de culture comparés sur le dispositif de Boigneville (91) : ferme-type conventionnelle, semis sous couverts, agriculture biologique. (©Arvalis-Institut du végétal)
Comparaison de différents indicateurs sur les trois systèmes comparés sur le dispositif de Boigneville (91) – évaluation multicritères sur cinq ans réalisée avec l’outil Systerre. (©Arvalis-Institut du végétal)
Sur le plan économique, le dispositif bio est un système performant. La marge nette dégagée est 2 à 3 fois plus élevée que les autres systèmes. Cette performance s’explique principalement par des charges moins élevées (- 20 à – 50 %), et un produit brut (rendement x prix de vente + aides) proche des autres systèmes. Il est légèrement avantagé par l’absence de sols superficiels.
Concernant les indicateurs environnementaux, du fait de l’absence d’apports de fertilisants et de produits phytosanitaires, le système bio contribue de manière satisfaisante à la qualité du milieu. L’absence totale d’apport de fertilisants extérieurs ne signifie pas pour autant une absence totale de pertes d’azote dans les eaux. Une analyse approfondie des dynamiques de minéralisation de l’azote issu des légumineuses a révélé des pertes d’azote après destruction de la luzerne, lorsque l’absorption par la culture suivante est faible sur cette période de minéralisation.
L’absence de recours à l’irrigation et aux engrais minéraux sont à l’origine d’une faible consommation en énergie primaire totale (EPT) et de faibles émissions de gaz à effet de serre (GES). La consommation d’énergie du système se limite aux interventions mécaniques. L’efficience énergétique du système (rapport entre la production et la consommation d’énergie) est élevée. La production d’énergie brute reste cependant en retrait par rapport aux autres systèmes (du fait des rendements inférieurs obtenus).
Rentabilité (€/ha) – moyenne 2014 à 2018 – des trois systèmes étudiés à Boigneville (91). MB : marge brute ; MN : marge nette ; aides Pac du dispositif ; aide régionale Ile-de-France au maintien 160 €/ha. (©Arvalis-Institut du végétal)Hors aides, le système bio dégage la meilleure marge nette moyenne par hectare, mais elle reste très faible (71 €/ha, soit 21 300 € pour 300 ha).
Source : Résultats de l’essai grandes cultures bio d’Arvalis